Les promesses du sud-ouest
Après une crise difficile qui a vu la fermeture de la plupart de ses ports, la région pourrait bien connaître un nouvel essor grâce au tourisme.


Départ des pêcheurs-Baie de Sassandra

Salués par des clameurs de joie, les pirogues rentrent dans la baie de Sassandra après une longue nuit de pêche dans le golfe de Guinée.

Dans une atmosphère de kermesse, des dizaines d’embarcations multicolores, avec drapeaux, fanions et oriflammes battant au vent, sont hissées sur la grève au milieu d’une foule de parents qui n’a pas hésité à entrer dans l’eau pour accueillir les marins.


Les Fanti, sont des pêcheurs traditonnels
d'origine Ghanéenne
.

Après une nuit agitée, les pêcheurs fanti du Ghana, neyo et krou du Libéria et de la Côte d’Ivoire, fourbus, déversent sur le sable leur pêche miraculeuse. Encore frétillants, barracudas, soles et capitaines s’agitent parmi les requins-marteaux, les crabes et les langoustes.


Le marché commence, malgré l’heure matinale; les matrones s’affairent entre les pirogues, ouvrent les poissons, les écaillent et les découpent à la machette, réservant des soins particuliers aux requins dégouli-nants de sang : elles les lavent à grande eau et leur coupent les ailerons, particulièrement prisés par certains restaurateurs d’Abidjan, qui en font des soupes. Enfin, elles gagnent leurs étals installés sur la plage, tandis que les pêcheurs nettoient l’intérieur de leurs pirogues ou ravaudent leurs filets.

Au milieu de la matinée, le marché bat son plein. Les voyageurs descendent des taxis-brousse et commencent les harangues des camelots, bateleurs et charmeurs de serpents, qui vendent aux badauds des « médicaments » infaillibles contre la « sopisse », le ver de Guinée ou le paludisme, ainsi que des « vaccins contre les coups de couteaux dans les bars »...

C’est en 1471 que les premiers navigateurs portugais - Pedro de Escobar et Joao de Santarem - abordèrent sur cette côte. Ils trouvèrent au-delà du Cap des Palmes, des mouillages sûrs, dans l’estuaire des fleuves côtiers, à Tabou, San Pedro et Sassandra. Découvert le jour de la Saint André, ce dernier fut appelé « Rio de San Andréa », déformé par la suite en Sassandra. Là, les caravelles portugaises pouvaient faire provision d’eau douce et de vivres frais. En outre, les attendait une divine surprise : partis aux Indes pour en rapporter des épices, ils trouvèrent en Afrique de l’Ouest des « graines de paradis » ou malaguette, qui seront très prisées sur les tables d’Europe et leur permettront de s’enrichir en n’accomplissant que le quart du périple maritime envisagé.

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Peinture de Christiane Achalme.
Débarquement de passagers à l'époque coloniale

La Côte du sud-ouest ivoirien est alors peuplée par les Magwé ou kroumen. Ces derniers
entretiennent de bons rapports avec les marins, les soldats et les commerçants venus de Lisbonne qui, après avoir signé des traités avec les chefs locaux pour obtenir le monopole, ont ouvert des comptoirs et des factories.

Mais les choses se gâtent vite avec l’arrivée d’aventuriers européens - des hollandais notamment - qui viennent braconner et capturer des esclaves. Les Magwé les font disparaître à coups de flèches empoisonnées, ce qui provoque un vif émoi en Europe.

Les portugais prennent le parti des hollandais, organi-sent des expéditions punitives, et, comble de l’injustice, rebaptisent pour des siècles la côte des Graines en « Côte des Mal Gens» (Côte des gens méchants). Aujourd’hui encore, certains groupes du peuple krou - les Bété par exemple - souffrent toujours d’un préjugé de violence. Jusqu’à l’indépendance de la Côte d’Ivoire, les comptoirs du sud-ouest sont des ports très actifs où font escale les paquebots et cargos des plus grandes compagnies maritimes européennes. Pour éviter qu’à la saison des pluies des houles violentes jettent les navires contre les rochers ou les échouent sur la plage, on aménage des wharfs-passerelles de bois et de fer - du rivage jusqu’au large. Cartes postales et journaux coloniaux montrent les voyageurs installés dans des paniers, soulevés en l’air par des grues et déposés sur le wharf où un petit train les amène sur la terre ferme.


Les ports de Tabou et Sassandra traitaient aussi des marchandises, principalement le bois des grandes forêts de l’ouest et du sud-ouest. Abattus et débités en grumes, irokos, acajous, sipos et sapellis étaient alors convoyés par voie fluviale jusqu’aux ports d’ estuaire où ils restaient dans l’eau jusqu’à l’arrivée des navires grumiers. Ces ports-aux-bois de Tabou et de Sassandra étaient le royaume des dockers Magwé, si compétents qu’on les recrutait - parfois de force - pour travailler dans les terminaux grumiers des grands pays de l’Afrique Equatoriale, comme le Congo ou le Gabon. Surnommés les « kroumen » ( de l’anglais « crew», hommes d’équipage des navires), les Magwé n’avaient pas leurs pareils pour convoyer les trains de grumes jusqu’à la haute mer, malgré la houle qui risquait de faire perdre l’équilibre à ces funambules qui périssaient alors écrasés entre deux troncs géants.

Aujourd’hui, le territoire des Kroumen a rétréci comme peau de chagrin. A mi chemin entre Tabou et Sassandra, San Pedro a été choisi comme pôle de développement de la région du Sud-ouest. Il s’agit alors de rééquilibrer le centre de gravité économique du pays vers l’ouest. En effet, après l’indépendance (1960), la région d’Abidjan - à l’est - a regroupé toutes les activités et les forces vives de la Côte d’Ivoire. Pour les pionniers de l’ARSO ( Autorité pour la Région du Sud-Ouest ), tout est à faire. Un pari difficile car aucune route bitumée, aucune piste de terre, ne relie les ports entre eux, la région est vide et enclavée. Qu’importe. Les projets pullulent : bâtir un port, construire une ville nouvelle, percer des routes à travers des forêts, développer l’agriculture ainsi que les industries, la pêche et surtout, relier la région à toutes les autres.


Transport des billes de bois

Lorsque le président Houphouët-Boigny pose la première pierre du futur port de San Pedro en août 1968, les cours des matières premières - café et cacao - connaissent une flambée et la Côte d’Ivoire se prépare à entrer dans la période faste du miracle économique. Les travaux avancent et, dès 1972, le nouveau port commence à atteindre sa vitesse de croisière. Les quartiers résidentiels, administratifs et populaires accueillent leurs premiers habitants et les divers services nécessaires au nouveau complexe. Malheureusement, la crise économique mondiale touche de plein fouet la Côte d’Ivoire au début des années 1980, gelant ainsi la plupart des grands projets. La « ville miracle est devenue une ville mirage ».


Une région propice au tourisme balnéaire
Le sud-ouest ivoirien pourrait connaître rapidement un nouvel essor grâce au tourisme.
D’autant qu’il bénéficie maintenant d’un atout de taille : une magnifique route côtière, entièrement goudronnée, d’Abidjan à Tabou, via Fresco, Sassandra, San Pedro et Grand-Béréby. Le Sud-ouest ivoirien bénéficie, en effet, d’un patrimoine balnéaire exceptionnel : des plages innombrables baignées par une mer chaude et calme, mais réservées jusqu’àprésent à quelques estivants équipés de véhicules tout terrain et disposés à mettreune journée pour aller d’Abidjan à San Pedro dans des conditions d’inconfort notoires. Aujourd’hui, la route met tout le sud-ouest à deux à trois heures d’Abidjan, sans risque, avec un confort maximum et un voyage des plus agréables.


La Côtière reliant Abidjan à l'ouest

Il convient toutefois de prendre son temps, et de ralentir aux abords des villages, pour ne pas risquer d’accident avec les enfants et les divers animaux qui traversent . Quel plaisir de musarder sur cet itinéraire: visiter le village lacustre de Tiagba sur la lagune Ebrié, à la sortie de Dabou, découvrir la flore, tenter d’observer les buffles et les derniers éléphants de Côte d’Ivoire, dans le parc national d’Asagny,non loin de Grand Lahou, et enfin arriver à Sassandra en fin d’après-midi au moment du départ des pêcheurs fanti. Une quarantaine de km avant Sassandra, faites un détour vers Dagbégo, pour apprécier une des belles plage de cette côte ouest. Un hôtel : "Best Of Africa", maginifquement situé, vous permettra d'y passer le temps que vous souhaiterez.


Le pont Weigand sur le Sassandra

Ville étape d’un grand intérêt touristique, Sassandra est le point de départ d’un grand nombre d’excursions. En remontant le fleuve jusqu’à Gaoulou, les piroguiers neyo, amènent les touristes tout près de familles entières d’hippopotames. A Gaoulou encore, la visite d’une scierie dévoile l’exploitation des bois exotiques, tandis que l’usine de distillation d’agrumes enseigne tous les secrets des cosmétiques.
En cours de route, nous recommandons une halte-déjeuner au sommet de la colline ( La Terrasse ) qui surplombe la baie de Sassandra et son port de pêche, offrant une superbe vue panoramique .
Autour de Sassandra, s’égrènent en chapelet les premières belles plages du Sud-ouest : celle de Batélébré et son marigot occupé par un vieux caïman, celle de Dagbégo ( une quarantaine de km avant Sassandra ), ou encore celles de Labléko et de Lakéko, celle de Niézéko et de Poli-plage, encore sauvages.


Site de TAKY

Monogaga, située juste avant San Pedro, est une des plus belles : enserrée entre des chaos de rochers noirs, elle déroule presque à l’infini ses sables oranges, à l’ombre des palmiers-cocotiers.


Vue aérienne sur la baie de Monogaga

La ville nouvelle de San Pedro a conservé ses plages de front de mer, près desquelles ont été construits de luxueux hôtels comme récamment le SOPHIA, le BALMER qui sur-plombe la mer, et plus modeste, les Hauts de Digboué - à proxmité immédiate d’un golf, superbement situé sur les hauteurs dominant la mer.


Bord de mer de San Pédro

Avant-dernière étape avant Tabou et le fleuve Cavally ( formant frontière avec le Libéria ), Grand Béréby, ancien comptoir britannique, vit de la pêche artisanale. Au sein du petit village de pêcheurs de Grand-Béréby, n'hésitez pas à goûter aux spécialités de la mer proposées par le Maquis-Hôtel le Phyton.Dans la Baie des Sirènes, qui prolonge Grand Béréby vers l’ouest, des suisses ont aménagé un somptueux hôtel-club: l'Hôtel de La Baie des Sirènes.


Baie des Sirènes

Les journées s’y déroulent agréablement : monter à cheval, s’«éclater» en s’adonnant aux sports aquatiques (canoë, surf et jet-ski), ou lézarder sur une magnifique plage privée, tandis que lesoir, au bord de la piscine, on peut jouir du spectacle fascinant des dizaines et dizaines de pirogues chevauchant les vagues au ras de la Côte et disparaissant à l’horizon.


Sur un site en hauteur, enchassé dans la verdure tropicale, l'Hôtel Beaurivage, plus modeste, offre une vue fantastique sur la Baie des Sirènes et l'accès à la plage privée de la Baie. Non loin derrière la Baie des Sirène, à une vingtaine de km, une autre très belle plage est accessible par la piste, la plage de Dawa, ou une restauraration et hebergement sont possibles au Campement "DAWA".


Sur la route vers Tabou, Boubélé - "la baie des dauphins"- est un aute site qui mérite le détour...Si vous avez l'âme d'un explorateur, et le temps avec vous, la côte ouest vous réserve bien des découvertes et des plaisirs.